Le 18e siècle est marqué par un très fort engouement pour l’exotisme. Jusque vers 1775-1780, l’Extrême Orient a les faveurs des arts décoratifs. Mais avec la diffusion des idéaux des Lumières en particulier de Jean-Jacques Rousseau et la publication du roman Paul et Virginie par Bernardin de Saint Pierre, les ornemanistes se tournent vers l’Amérique et surtout l’Afrique. Rappelons nous que les seuls noirs vus en France étaient des esclaves et le mythe du bon sauvage apparaissait. On soulignera d’ailleurs que dès 1793 l’esclavage est aboli, Napoléon le rétablira quelques années plus tard.
La première pendule de ce type qui soit datée fut livrée en 1784 pour Marie-Antoinette. Il est intéressant de noter qu’il ne s’agit pas d’un « nègre » mais d’une « négresse » dont plusieurs exemplaires sont connus. Le mouvement en est particulièrement complexe puisque l’heure s’affiche dans les yeux de la nubienne lorsque l’on tire sa boucle d’oreille gauche. Ce mécanisme est l’œuvre de deux horlogers du roi Furet et Gaudron.
La boite de cette pendule est entièrement en bronze ciselé et doré et seul la peau de la nubienne richement vêtue et enturbannée est en bronze patiné ce qui renforce le contraste.
Exceptionnelle pendule en bronze très finement ciselé et doré à l'or mat et l'or brillant, et bronze patiné. Elle présente un buste de nubienne enturbanné, coiffé d'un panache de plumes rubanées. Elle porte sur le dos un carquois et un arc, soutenus par une guirlande de fleurs et feuillages. Les yeux, en automate, découvrent les heures et les minutes lorsque l'on tire sur la boucle d'oreille gauche (manquante). Base à ressaut sur laquelle repose deux amours. En plein, une frise dans le goût de Clodion représentant quatre putti tenant un brancard chargé de gibier symbolisant la chasse au faucon, sur les côtés des appliques à instruments de musique, fleurs et feuillages et attributs de berger. Latéralement des caducées à chapeau de Mercure ailé, dans des encadrements de couronnes de branches de laurier rubanées. Contre socle de marbre rouge griotte à frise de feuilles d'acanthe ou de palmettes. Petits pieds godronnés. Epoque Louis XVI. Courtesy of Delorme Collin du Bocage
Loin de s’arrêter avec la Révolution, l’engouement pour les pendules au bon sauvage ne se dément pas et touche à sa fin vers 1825. Mais c’est sous le Directoire et l’Empire que les plus beaux modèles sont exécutés.
La création d’une pendule dite « au nègre » requiert l’intervention de nombreux artisans. Tout d’abord l’ornemaniste qui va dessiner le modèle, puis intervient le bronzier qui va fondre la caisse de la pendule. Son travail est primordial car la qualité de la fonte est un élément important dans l’estimation d’une pendule. Intervient ensuite le doreur, c’est lui qui va donner vie au bronze. La dorure d’une pendule au bon sauvage doit être au mercure et d’origine de même que la patine du nubien. L’horloger pour sa part exécute le mouvement d’horlogerie et l’installe dans la boite de la pendule.
Grande pendule dite au " nègre fumeur " ou " Toussaint Louverture " en bronze à deux patines.
Yeux en verre et dents peintes au naturel. Socle ovale en marbre. Pieds patins. XIXe. Courtesy of Osenat.
On référence aujourd’hui une trentaine de modèles, certains nous présentant un africain à l’ouvrage, portant des ballots, fumant une pipe ou poussant une brouette mais c’est surtout les modèles mettant en scène le mythe du bon sauvage qui sont recherchés. Notamment, les pendules dérivant de Paul et Virginie dans lesquels des nubiens portent un palanquin ou encore celle où un couple est enlacé. On soulignera que le couple peut indifféremment être constitué d’Africains ou d’Indiens d’Amérique.
Parmi les bronziers les plus inventifs, mentionnons Pierre-Philippe Thomire, Jean-Simon Deverberie ce dernier apparaît comme s’étant fait une spécialité de ce type de pendules et il est à l’origine de très nombreux modèles exceptionnels. Chaque bronzier ayant la propriété de ses dessins et moules, il nous est possible aujourd’hui de les attribuer avec certitude.
Belle pendule en bronze ciselé, doré ou patiné, le mouvement est surmonté d'une statuette symbolisant l'Afrique représentée par une nubienne tenant un arc vêtue d'un pagne à plumes, les yeux émaillés, à ses pieds une tortue et un fauve. Base en doucine ornée d'amours et guirlandes feuillagées, petits pieds toupies. Vers 1820. Courtesy of Delorme Collin du Bocage.
Recherchées des collectionneurs et amateurs, les pendules dites « au nègre » sont rares sur le marché et créent toujours la surprise dans les salles des ventes tant à Paris qu’en Province. Les pendules à sujet « bon sauvage » ont généralement une cote supérieure au modèle « au nègre ». Mais attention, c’est un marché très sélectif et seul les pendules « dans leur jus » c'est-à-dire dont la dorure au mercure est d’origine et qui possèdent leur mouvement et leur cadran trouvent preneur.
Cedric Henon, expert en meubles et objets d'art anciens.
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Illustration principale : Pendule au nègre portefaix figurant un porteur de coton en bronze doré et patiné, base rectangulaire à angles abattus ornée d'un singe ce balançant entre des palmes et des perroquets. Cadrant en émail signé Sauvage à Paris. D'après un dessin de Jean André REICHE, vers 1808.
Epoque Directoire. Courtesy of Couteau Begarie