Depuis un peu plus d’un mois, tous les experts et conservateurs en peinture ancienne s’interrogent sur la paternité d’un tableau vendu par Sotheby’s Olympia (Londres) en décembre 2006. Le débat porte sur l’auteur de la toile et par conséquent sa valeur : 50 000 euros ou 14 millions d’euros.
Revenons sur la genèse et les suites de cette affaire aujourd’hui entre les mains des juges anglais.
La genèse
En décembre 2006, Sotheby’s Olympia, célèbre maison de vente internationale, vendait aux enchères une huile sur toile intitulée « Les Tricheurs » décrite au catalogue comme de la main d’un suiveur de Caravage. En effet, il s’agit d’une copie d’une œuvre de l’artiste aujourd’hui conservée au Kimbell Art Museum (USA).
Estimée entre 25 à 35 000 euros, l'œuvre fut vendue 50 000 euros à Sir Denis Mahon, l'un des plus grands spécialistes de la peinture ancienne, connu pour avoir réattribué de nombreuses toiles.
Dès 2007, l’acheteur ayant la certitude de l’originalité de cette peinture en demandait la licence d’exportation pour une exposition en Italie avec une valeur d'assurance de 14 millions d’euros.
L’affaire devant les juges
Au regard de ce changement d’auteur et de valeur, le vendeur de 2006 a porté plainte contre Sotheby’s pour « défaut de recherches appropriées » équivalent en droit français à une erreur sur la substance de la chose.
Sotheby’s répond à cette plainte en soulignant qu'elle a fait appel à plusieurs experts reconnus internationalement du Caravage et que le prix de vente reflétait le sentiment des amateurs, conservateurs, collectionneurs et marchands.
Les juges sont aujourd'hui face à un débat d’experts qui devrait durer plusieurs années. Il est difficile de prédire de quel coté la balance penchera.
Notre analyse
La position de Sotheby’s est assez paradoxale. Le tableau ayant été acquis pour un montant raisonnable, la maison de vente considère que le marché lui a donné raison.
Ce raisonnement pose cependant un problème car pris à l’envers cela sous entend qu’il est impossible de faire une découverte dans une vente aux enchères et que si vous achetez à bon prix un trésor vous vous êtes trompé.
En matière de peinture ancienne, les problèmes d’attribution sont fréquents et au cours des 20 dernières années de nombreuses peintures (y compris dans les musées) sont soit sorties de l’anonymat, soit au contraire entrées dans l'anonymat.
Ainsi tout est avis d’expert et si pour la peinture moderne et contemporaine les œuvres sont signées, cela demeure tout à fait exceptionnel pour les tableaux anciens.
Le vendeur demande compensation du préjudice financier qu’il a subit en 2006 mais la vraie question reste de savoir qui est réellement l’auteur de la toile. Est-il possible que le Caravage exécuta deux toiles identiques et si oui dans quel but ? Dans le cas contraire, on peut également s’interroger sur lequel de ces deux tableaux est l’original.
De nombreuses questions sur lesquelles les juges londoniens devront se pencher avant d’envisager de compenser le vendeur.
Cédric Henon, expert en mobilier et objets d'art anciens
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