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Objet simple de papier, le livre n’acquiert pas sa valeur sur son seul matériau, souvent peu représentatif de son importance. Si l’état de la reliure ou du brochage est important, la valeur de l’ouvrage tient d’abord au rôle du texte dans l’Histoire.

La valeur d’un livre ancien est une combinaison complexe alliant critères matériels et histoire de la pensée. Pour fixer la valeur d’un livre ancien, le bibliophile sera attentif au statut des différentes éditions et de différents tirages de l’ouvrage, à la présence d’envois, de notes manuscrites ou de preuves d’appartenances ultérieures, mais il veillera surtout au rôle fondamental et novateur du texte.

 Des écrits d'avant-garde

Le prix d’un ouvrage ne s’évalue qu’en ramenant le texte publié à son rôle fondateur et à la qualité intrinsèque et la rareté de chacun des exemplaires conservés. Ainsi, un simple feuillet de 28 lignes annonçant une découverte importante de Babinski en neurologie dépassait, chez un libraire parisien en avril 2012, le millier d’euros ; ou encore, un petit opuscule de 10 pages sur les hypothèses quantiques de Planck écrit par Einstein et Otto Stern en 1913 était tout récemment proposé au prix de 2800 €.

Des éditions originales

La bibliophilie contemporaine tend à privilégier les exemplaires au plus près de leur état originel. Par exemple, la première édition des Essais de Montaigne de 1580, en simple vélin de l’époque, s’est vendue près de 600 000 € chez Christie’s Paris en juin 2009. Dans la même vente, l’édition originale (voir illustration) de Le Rouge et le Noir de Stendhal en demi-veau brique, a multiplié par deux ses estimations en s'envolant à plus de 45 000 €.

Des reliures qui ont la cote

Les reliures qui couvrent de précieux exemplaires rivalisent souvent d’élégance artisanale et le travail de célèbres relieurs surclassent en prix de nombreuses publications. Les plus célèbres relieurs sont entre autres : Roffet et Le Duc au XVIe siècle, les Ruette et Du Seuil au XVIIe, Padeloup, Le Monnier et Derome au XVIIIe, Vogel, Simier et Trautz au XIXe, et Marius Michel, Kieffer, Legrain, Rose Adler, Paul Bonnet et Jean de Gonnet pour le XXe.

Des disciplines qui se répondent à travers l’histoire

Même si certaines disciplines comme la médecine ou l’historiographie classique reculent au niveau du marché depuis une vingtaine d’années, le livre ancien transgresse les goûts et les fluctuations économiques.

Les grands écrivains nationaux (Rabelais, Rimbaud, Shakespeare, Wilde, Goethe, Rilke, Dante, Cervantes, Pessoa, etc.) et les scientifiques les plus importants (Copernic, Galilée, Descartes, Newton, Buffon, Darwin, Pasteur, Planck, etc.) ne cessent d’attirer les bibliophiles.

Toutefois, la modernité de notre XXIe siècle suscite aussi de nouveaux intérêts chez les collectionneurs. Par exemple, on voit apparaître des collectionneurs des textes fondateurs des principales lois statistiques, ou sur la création des langages informatiques. Ces disciplines nouvelles, que l’on ne pensait jamais collectionner, redessinent sans cesse les frontières de la bibliophilie à venir.

Alexandre PIFFAULT

Spécialiste en livres anciens et éditions rares

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Crédits photographiques :
1- courtesy of Alde Paris - Reliure de Ruette pour le Satyricon de Barclay de 1637.
2- courtesy of Christie's Paris.
3- courtesy of Sotheby's Paris - Prévert Jacques, Paroles, édition originale de 1945, reliée par Jean de Gonnet en 1986. Vendue 58 350 € (frais inclus) le 18 mai 2011.