Le nom Artigas est encore aujourd’hui mal connu des amateurs d’art. Il est pourtant souvent associé à celui de peintres et sculpteurs majeurs de l’Art Moderne comme Dufy, Miró, Marquet, sur des vases, des plaques émaillées en terre cuite, ou des sculptures. Qui était-il ? Quelle est son œuvre personnelle ? Quels sont ses apports à l’Art du XXème. siècle ? Comment a-t-il participé au renouveau de la céramique d’artiste ?
Céramiste et critique d’art.
Josep Llorens Artigas (1892-1980) est l’un des grands maîtres de la céramique du XXème. siècle. Barcelonais d’origine, il se forme au dessin au Cercle artistique de Sant Lluc et à la céramique à l’Ecole Supérieure des arts et métiers de Barcelone.
Impressionné en 1917 par une exposition regroupant les meilleurs céramistes français : Bigot, Chapelet, Delaherche, Lenoble… il décide de consacrer sa vie à la céramique, le plus ancien art du feu.
Critique d’art, chercheur et théoricien, il écrira de nombreux ouvrages sur le sujet et s’intéressera notamment à la céramique égyptienne, à la céramique traditionnelle espagnole, à la cuisson des terres cuites et aux couleurs.
En 1919, il vient à Paris pour perfectionner son style et commence à partir de 1923 une riche collaboration avec les plus grands peintres et sculpteurs de son temps.
Dufy - Artigas : « d’égal à égal ».
Entre 1923 et 1938, il met son savoir-faire au service du peintre, graveur et créateur de mode : Raoul Dufy (1877-1953). Ils réalisent des œuvres « d’égal à égal » en céramique, et produisent près de 200 œuvres : vases, carreaux et petits jardins d’appartement. Ils permettent ainsi à l’Art Moderne de se rapprocher du grand public sous la forme d'objets du quotidien.
Illustration : Vase en céramique émaillée représentant des baigneurs, réalisé en 1924 par Artigas et Dufy, portant l’empreinte des deux artistes, hauteur : 34cm, ancienne collection Paul Poiret, vendu par l’étude Beaussant-Lefèvre, Paris, le 15 juin 2007, 150 000 Euros.
Llorens Artigas expérimente de nouvelles techniques d’émaillage et apprend à façonner au tour de potier, les vases. « Sur le vase ou la plaque, Llorens Artigas posait une première couche d’émail blanc et, ensuite, une deuxième couche d’une autre couleur. Dufy dessinait au crochet ou au pinceau, comme s’il réalisait un graffite. S’il grattait un peu trop fort, la pâte qui servait de support ressortait. Ce procédé [...] lui permettait de travailler comme pour une gouache, technique qu’il connaissait bien ». (Miralles, Francesc, Llorens Artigas, Editions Cercle d’Art, 1993, p.32).
Ils exposent en 1926 et 1927 à la galerie Bernheim-Jeune et connaissent un succès immédiat.
Llorens Artigas collabore en 1931 avec le peintre Albert Marquet et l’aide à réaliser une série de panneaux en céramique pour la salle de bain de l’appartement du peintre, situé au 1 rue Dauphine à Paris dont certains éléments sont aujourd’hui exposés au musée des Beaux-arts de Bordeaux.
Poète de la forme et de la couleur.
Artigas développe en parallèle de son « travail de collaboration » une œuvre plus personnelle. Il expérimente et réalise jusqu’à la fin de sa vie des vases et des jarres en grès aux formes épurées et colorées en jaune, bleu, vert, rose saumon…
« Ce qui frappe chez Artigas, c’est la tranquille assurance avec laquelle il a tout au long de sa vie laissé couler la terre entre ses mains actives, comme pour écrire un poème unique formel ». (Joly, Pierre, Artigas, poète de la forme, Plaisirs de France, avril 1975, N°428, p.40-45).
Il expose ses œuvres personnelles pour la première fois à Paris en 1928 et à Barcelone en 1932. Considéré rapidement comme « l’un des meilleurs céramistes actuels », il remporte de nombreuses distinctions internationales : Diplôme d’honneur à la Triennale de Milan, Médaille d’or à l’exposition internationale de Paris,…
Illustration : Vase en grès, signé : « Artigas 1930 », Hauteur : 22cm, Collection particulière, Paris.
Après une villégiature de 2 ans à Céret (Pyrénées-Orientales), l’artiste quitte la France en 1941. Il rejoint sa ville natale et s’installe définitivement en 1952 à Gallifa, un petit village situé à 60km au Nord Ouest de Barcelone.
Miró- Artigas : « Route ensemble ».
A partir de 1941, Llorens Artigas commence la plus importante collaboration de sa carrière avec un ami d’école, le surréaliste : Joan Miró (1893-1983).
Ils réalisent leurs premiers essais entre 1941-1948 et produisent des vases en terre cuite émaillée (à partir de 1941), des sculptures en céramique de personnages féminins et masculins (à partir de 1945), et plus de deux cents plaques peintes à l’émail (entre 1945 et 1946).
Illustration : Plaque double-face en céramique peinte émaillée, réalisée par Miró et Artigas, signée et datée «1945 » sur la tranche inférieure, Hauteur: 15cm, Largeur: 22cm, vendue par l’étude Artcurial, le 7 juin 2004, 132 126 Euros frais de ventes inclus.
Ils exposent à partir de 1945 à New-York à la Pierre Matisse Gallery puis à partir de 1948, à la Galerie Maeght à Paris, et connaissent un succès mondial retentissant.
Entre 1950 et 1955, le célèbre potier collabore avec d’autres artistes comme le sculpteur Eudald Serra.
La période 1953 - 1972, est la plus féconde dans son travail avec Joan Miró.
En 1955, Miró reçoit commande de deux panneaux muraux pour le siège de l’Unesco à Paris et décide de collaborer avec son ami Artigas. Les deux panneaux en céramique : Mur de la Lune et Mur du Soleil y sont exposés en 1958. Ils reçoivent pour cette réalisation le grand prix de la fondation Guggenheim de New-York en 1959 et répondent à la suite, à de nombreuses commandes monumentales dans le Monde : panneaux muraux pour l’université Havard de Cambridge (1960), Handels-Hochshule de Sant-Gall en Suisse (1964), Musée Salomon Guggenheim de New-York (1966), Aéroport de Barcelone (1971),…
Illustration : Sculpture céramique, Squelette, signée « Miró – Artigas », exécutée en 1956, Hauteur : 96,8cm, vendue par Christie’s New-York, le 7 mai 1995, $ 769 000.
Assistés du fils de Llorens Artigas : Joan Gardy Artigas, ils réalisent à partir de 1953 des centaines de sculptures, plats, vases, plaques, galets, œufs, reliefs…à propos desquels le potier aime à constater que l’ « on ne distingue pas où commence le peintre [ou le sculpteur] et où finit le céramiste ».
Joseph Llorens Artigas meurt en 1980 à Barcelone et est enterré à Gallifa près du four à céramique qui lui a donné tant de bonheur.
Les céramiques d’Artigas sont aujourd’hui fortement recherchées par les amateurs d’Art Moderne. Rares sont celles passant en ventes publiques aux enchères. Nous ne pouvons référencer plus de 30 pièces ayant été vendues ces dix dernières années.
Josep Llorens Artigas a su « donner une chance à des peintres et à des sculpteurs d’associer leur art à celui de la céramique tout en leur fournissant les moyens de le faire dans le plus grand respect de leur travail ».
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Laurent Hache, expert conseil en oeuvres d'art
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