Que ce soit à la lecture d’un catalogue de vente, d’un ouvrage spécialisé ou d’un article, l’amateur rencontre fréquemment le terme « poinçons » attaché à une pièce d’argenterie ou à un bijou. Mais que cachent ces différentes marques ? Qu’elle est leur signification ? Ont-elles une influence sur le prix et la valeur des bijoux et de l’orfèvrerie sur lesquels elles sont apposées ?
Historique de la corporation des orfèvres et des poinçons.
Dès le Moyen-âge, les différents corps de métier sont divisés en corporation parmi lesquelles on distingue celle des Orfèvres. La charte parisienne des Orfèvres leur impose de garantir le titre, c'est-à-dire la teneur en métal précieux de leur alliage d’or ou d’argent, de leurs ouvrages.
Entre 1275 et 1313, un poinçon visant à garantir le titre des pièces d’orfèvrerie et des bijoux est mis en place.
Ce n’est qu’en 1355 que le poinçon de maitre voit le jour, il doit comporter une fleur de lys couronnée et un symbole propre à chaque orfèvre afin de pouvoir identifier l’auteur d’une pièce.
Entre 1579 et 1674, la couronne met en place une taxe sur les ouvrages d’or et d’argent. Pour vérifier que cette taxe est acquittée par les orfèvres et joailliers, deux nouveaux poinçons voient le jour, les poinçons de charges et de décharges.
Ainsi, le système du poinçonnage systématique des objets d’art issus de l’atelier des orfèvres n’est mis sur pied qu’à partir de Louis XIV.
La Révolution mettra un terme au système des corporations. Une certaine anarchie règne de 1791 à 1798 puisque l’Etat n’exerce plus aucun contrôle sur le titre des pièces réalisées entrainant ainsi de nombreuses fraudes. En outre, l’abolition des poinçons de charge et de décharge représente un fort manque à gagner pour les coffres de l’Etat.
A partir de 1798, de nouveaux poinçons sont instaurés, ils évolueront à quatre reprises : 1798-1809, 1809-1819, 1819-1838, depuis 1838.
Les différents poinçons au XVIIIème siècle.
Les objets ayant vus le jour avant 1791 doivent normalement comporter un minimum de quatre poinçons différents :
-Le poinçon de maitre : il est la signature de l’orfèvre. Chaque maitre orfèvre, corporation comprenant également les joailliers, possède un poinçon qui lui est propre et qui comporte ses initiales, un signe distinctif et le symbole de la ville dans laquelle il exerce. Les dimensions de ce poinçon sont 4.5 millimètres de hauteur sur 3 millimètres de large.
Poinçon de Henri-Nicolas Cousinet.
Poinçon de René-Pierre Ferrier.
-Le poinçon de titre : communément appelé lettre date, poinçon de jurande ou de maison commune. Ce poinçon était apposé par la Jurande des Orfèvres après vérification du titre d’argent de l’objet. Ce poinçon est constitué d’une lettre surmontée d’une couronne. La lettre date changeait chaque année.
Ainsi, il est possible de dater une pièce de manière très précise.
Exemple de lettre date employées à Paris, M pour 1775-1776.
-Les poinçons de charge et de décharge : aussi appelés poinçons de la marque, de ville ou de fermiers généraux. Le premier était apposé lorsque la pièce était ébauchée ce qui explique qu’il soit souvent très déformé. Chaque fermier général possédait le sien mais respectait les traditions de la Régie dont il avait la charge.
Ainsi pour Paris, le poinçon de ville est un A surmonté d’une couronne fermée.
Exemples de poinçon de charge de Paris.
Le poinçon de décharge était apposé par le fermier général une fois la pièce terminée. Ce poinçon indique que la taxe a bien été acquittée. A chaque fermier général correspond un poinçon de décharge qui lui est propre.
Poinçon de décharge de Paris entre 1774 et 1779.
Les poinçons de charge et de décharge ne sont modifiés que lors du changement de fermier général. Ils permettent de situer géographiquement chaque objet de manière très précise.
A partir de 1798.
Le poinçon de maitre : il faut ici parler du poinçon du fabricant, la suppression des corporations entrainant la disparition de l’artisan ou maitre. La forme du poinçon évolue sensiblement, celui-ci doit s’inscrire dans un losange dont les dimensions restent libres. Il doit contenir les initiales de l’orfèvre ainsi qu’un symbole afin d’éviter tout risque de confusion entre les fabricants. Le poinçon de certains orfèvres porte leur nom entier.
Aujourd’hui encore, le poinçon de l’orfèvre est de forme losangique.
Poinçon Martin-Guillaume Biennais.
Poinçon Charles-Nicolas Odiot.
A partir de cette date, seuls les poinçons de titre et de garantie évoluent.
Le poinçon de titre :
Il correspond à la fois à l’ancien poinçon de ville ainsi qu’à celui de jurande. Il garantit l’acheteur sur la teneur en argent de la pièce d’orfèvrerie, écuelle, plat, verseuse ou couverts. Deux titres seulement sont institués, le 1er titre à 950 millièmes et le 2eme titre à 800 millièmes. Ce poinçon évoluera à trois reprises avant de prendre la forme que nous lui connaissons aujourd’hui :
-1798-1809 ou 1er coq.
Poinçon dit au 1er coq, 1er titre.
Poinçon au 1er coq, second titre.
-1809-1819 ou 2ème coq.
Pour chaque titre deux poinçons sont créés : Paris et Province.
Paris, poinçon au 2ème coq, 1er titre.
Paris, poinçon au 2ème coq, second titre.
Province, poinçon au 2ème coq, 1er titre.
Province, poinçon au 2ème coq, second titre.
-1819-1838 ou vieillard.
Paris, poinçon au vieillard, 1er titre.
Paris, second titre.
Province, 1er titre.
Province, second titre.
Le poinçon de garantie :
Aussi appelé poinçon de recense, il correspond à l’ancien poinçon de décharge qui symbolisait l’acquittement d’une taxe sur le poids de métal précieux. Le poinçon évolue donc mais sa symbolique demeure.
Chaque département possède un poinçon distinctif de par la présence du numéro du département.
Ce poinçon est le seul qui permette de situer géographiquement les œuvres issues des ateliers des orfèvres entre 1798 et 1838.
Paris est alors le 85eme département, c’est pourquoi son poinçon de recense porte un 85.
Principaux poinçons de recense entre 1798 et 1838 pour Paris.
Le poinçon de titre est généralement apposé à coté de celui de l’orfèvre alors que celui de recense se situe généralement ailleurs. Ainsi, sur une timbale les deux premiers sont généralement sur le cul alors que la garantie est sur le corps.
Les objets exécutés entre 1798 et 1838 sont frappés de trois poinçons.
Depuis 1838 ou Minerve.
A partir de 1838, l’Etat simplifie le système et la vérification du titre et la perception de la taxe se font conjointement. Ainsi disparaissent les poinçons de titres et de recense. C’est l’avènement de la minerve que nous connaissons encore aujourd’hui.
Il y a toujours deux titres mais il est devenu impossible de situer géographiquement et temporellement une pièce si le poinçon de fabricant est peu lisible.
Poinçon Minerve 1er titre.
Poincon Minerve, 2ème titre
Ainsi, la minerve et le poinçon de l’orfèvre sont souvent contigus.
Les pièces produites depuis 1838 ne portent que deux poinçons.
Poinçon carré attention.
Un certain nombre de personnes indélicates utilise le terme d’argenterie non pas pour designer l’ensemble des objets fabriqués en argent massif et en métal argenté mais uniquement ceux en métal argenté induisant ainsi l’amateur en erreur.
Le poinçon du métal argenté est de forme carré comportant les initiales du fabricant. En outre les pièces en métal argenté ne présentent pas de poinçon en losange réservé à la production de pièces, cafetière, sucrier, cuiller, bougeoir, légumier et autre soupière en argent massif.
Poinçon carré caractéristique du métal argenté.
Il existe également de nombreuses pièces dont les poinçons ont été rapportés. Par ce terme, il faut comprendre qu’ils ont été découpés sur des objets plus simples.
Il n’est pas rare également de voir des pièces qui ont subi des transformations et des ajouts. On pensera notamment aux timbales tulipes sur piédouche avec appliques dont la valeur est bien supérieure à celle de sa sœur simplement tronconique et gravée.
S’entourer d’un expert pour acquérir des objets d’orfèvrerie est donc indispensable.
Objet usuel à l’origine, les pièces d’orfèvrerie parvenue jusqu'à nous sont aujourd’hui pour certaines de véritables objets d’art. L’étude minutieuse de leurs poinçons nous permet de les dater de manière très précise pour beaucoup d’entre elles et de les situer géographiquement. En outre, les orfèvres et leurs successeurs fabricants furent et sont encore des artistes de génie qui à partir d’une simple feuille d’argent réalisent des objets qui s’inscrivent dans le temps, seul le feu pouvant faire disparaître ces œuvres d’art.
Cédric Henon
Expert en meubles et objets d'art des XVII, XVIII et XIXème siècle
Illustration principale : aiguière et son bassin réalisés par Honoré Burel, Aix en Provence 1775, vente PIASA le 9 juin 2000, lot 221, adjugé 45 735 euros.
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