La corne de rhinocéros est un simple amas de kératine, de cheveux en somme ! Pourtant, sculptée, notamment sous forme de coupe, elle fait tourner les têtes et confirme l’excellente santé du marché de l’art asiatique.
Un objet de lettré, signe de prestige social
Le rhinocéros est le plus grand mammifère terrestre après l’éléphant et ne connaît aucun prédateur dans la nature. Pour un chasseur, c’est l’un des grands trophées qui soit. En Chine, sous la dynastie Qing (1644-1911), ses délicates cornes sont découpées, évidées et sculptées. Elles servent alors de supports pour pinceaux, de godets de peintre, des manches de poignard ou de coupes. Les breuvages comme le thé y sont bus lors de cérémonies ou déversés au sol en signe d’offrande. Ces coupes libatoires, attribut du lettré, sont un signe important de prestige social.
La matière de ces coupes comme les motifs sculptés sont une évocation de la nature liée au taoïsme. Les feuilles de lotus, les végétaux où se mêlent animaux ou phénix, ou des petits personnages dans un paysage rappellent à l’Homme l’éternité de la nature.
En Chine ces coupes, pas plus grandes qu’un mug, deviennent tellement populaires qu’elles sont imitées en porcelaine blanche et deviennent peu à peu décoratives. Elles sont produites jusqu’au 19e siècle.
La corne de rhinocéros ou le poil le plus cher du monde
A la valeur patrimoniale de ces coupes, s’ajoute celle de leur matière première : la corne de rhinocéros. Réduite en poudre, la médecine chinoise lui prête nombre de vertus : elle soignerait le paludisme, l’épilepsie, les rhumatismes ou le cancer et serait même aphrodisiaque. Le rhinocéros est aujourd’hui menacé de disparition. Cette rareté rend sa corne d’autant plus précieuse, bien plus que le caviar ou l’or : la corne de rhinocéros atteint 70 000 euros le kilo, soit plus du double que le métal jaune. Cette « rhinomania » pousse les zoos et les responsables des réserves à couper eux-mêmes les cornes des mammifères pour prévenir le braconnage. Le commerce de la corne – même ancienne – est donc extrêmement contrôlé.
Cette flambée du prix de la corne, sa rareté, voire sa disparition possible, participent à la valorisation de ces coupes anciennes.
Marché asiatique : la corne d’abondance
La France est un vivier important d’art chinois ancien. Le goût pour ces « curiosités » est initié dès le 17e siècle à la faveur notamment des ambassades royales en Chine. A partir du 19e siècle, les voyageurs fortunés sont à l’initiative de fabuleuses collections. Aujourd’hui, la très forte croissance économique de la Chine profite par ricochet au marché de l’art. L’antériorité des collections françaises attire de nombreux collectionneurs chinois soucieux de se réapproprier leur patrimoine. Les coupes en corne de rhinocéros suscitent aujourd’hui la convoitise, et voient régulièrement leur estimation s’envoler au cours des ventes pour atteindre parfois plusieurs centaines de milliers d’euros.
Alors regardez dans vos greniers, vos placards car qui sait si un lointain ancêtre n’aura pas ramené une de ces précieuses coupe d’un voyage !
Anaïs Couteau
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