Au delà de l’image du commanditaire, les portraits du XVIIIe siècle nous révèlent tout un univers, toute une mode et nous permettent alors de découvrir un cadre de vie somptueux. On aperçoit en arrière plan une partie des collections de ces grands mécènes de l’époque, leurs plus belles pièces, parfois identifiables.
La mise en scène du mécène
L’apogée du genre du portrait au XVIIIème siècle va de paire avec un engouement toujours plus grand pour les arts décoratifs. Les grands personnages, d’un raffinement incomparable et avides de luxe et de nouveautés, se font représenter au milieu de leurs collections, dans leurs intérieurs riches et raffinés, désirant surtout montrer leur réussite sociale. L’étude du mobilier dans les portraits au XVIIIème siècle nous donne des informations sur l’histoire du goût, l’origine des meubles. Elle présente aussi un grand intérêt dans le marché de l’art, celui de la provenance, de l’authentification. La référence picturale enrichit en effet considérablement la fiche d’expertise.
Des portraits de Jean Pâris de Monmartel, de la Pompadour ou de Lalive de Jully, c’est déjà quelque chose mais regardons derrière un instant, le mobilier, les objets d’art, les tableaux… Changeons le sujet. Madame, Monsieur, écartez vous s’il vous plait !
Meubles de prestige
Les arts décoratifs permettent de mettre en valeur le personnage représenté. Par leur richesse et leur qualité, ils sont synonymes de réussite sociale, de grande fortune et sont même parfois des symboles d’érudition.
Portrait du conseiller d’état et banquier à la Cour Jean Pâris de Monmartel . Dessiné par Cochin fils, la tête par M.Q. de la Tour et gravé par L.J. Cathelin.
Sur la gauche du portrait se trouve L’enfant à la cage, sculpture en marbre de Jean-Baptiste Pigalle, oeuvre conservée au Musée du Louvre, R.F. 654.
Jean Pâris de Monmartel, Garde du Trésor royal et conseiller de Louis XV, s’est fait portraiturer dans le grand cabinet de son hôtel particulier rue Neuve-des-petits-champs, l’Hôtel Mazarin, autour de ses collections.
Un certain nombre d’objets et de meubles sont identifiables, comme l’extraordinaire pendule astronomique, au fond à droite, que l’on peut aujourd’hui admirer à la Wallace Collection à Londres. Ornée d’un placage de bois exotiques, d’une marqueterie de fleurs dans des vases et d’une riche ornementation de bronzes dorés et patinés, elle est pourvue d’une multitude de cadrans et témoigne de l’importance des progrès techniques de l’époque. On reconnait aussi un paravent à quatre feuilles en bois sculpté et doré exécuté dans les années 1760 – 1765 par Nicolas-Quinibert Foliot et aujourd’hui dans une collection particulière.
Sur la console, à gauche, l’enfant à la cage, sculpture de Jean-Baptiste Pigalle représentant son fils unique et présenté au Salon de 1750 après la commande de Jean Pâris de Monmartel, elle est conservée au Musée du Louvre. Ce modèle a par ailleurs été énormément reproduit, notamment sur des pendules en bronze doré.
Un prix de vente justifié !
Certains portraits présentent un immense intérêt lors des ventes aux enchères. C’est par exemple le cas du célèbre portrait de la marquise de Pompadour (voir l'illustration principale), peint par François Boucher. Figure capitale dans l’histoire des arts décoratifs de l’époque, la marquise pose devant ses objets et son mobilier, illustrant parfaitement son goût et son raffinement.
Détail du Portrait de la marquise de Pompadour (Illustration principale) par François Boucher. 1756. Courtesy of Munich bayerische Staatsgemäldesammelungen.
Sur la gauche de la Marquise, la table en chiffonnière, estampillée par BVRB qui pourrait être celle de la collection Riahi, vendue en 2000 par Christie’s, New York. Courtesy of Christie's.
Au premier plan, la petite table en chiffonnière nous est parfaitement connue. Il s’agit d’une réalisation du célèbre ébéniste Bernard II Van Risenburgh. Cette table mouvementée, en placage de bois de rose et ornée d’une fine garniture de bronze doré dans des encadrements d’amarante, découvre un écritoire dans le tiroir latéral. Elle repose sur des pieds cambrés réunis par un plateau d’entrejambe. Un modèle similaire fut présenté lors de la vente d’une partie de la collection Riahi chez Christie’s à New York en 2000. Elle était présentée en parallèle avec ce portrait de François Boucher. Cette référence « royale » était d’un intérêt capital pour la vente et la plus-value de ce meuble.
Dater les meubles autrement
L’étude croisée des portraits et de l’iconographie nous donne aussi des indications précises quant à l’apparition d’un style. Le portrait de Lalive de Jully, exposé au Salon de 1759 en est un parfait exemple. Il nous permet de donner une date butoir à l’apparition d’un nouveau style : le style « à la grecque ». Représenté autour de son mobilier, commandé suite à sa nomination en tant qu’introducteur des Ambassadeurs à la Cour de Versailles, ce grand collectionneur passe ainsi pour un précurseur et défenseur du nouveau goût néoclassique.
Dessiné par Le Lorrain en 1756 - 1758, ce mobilier rompt totalement avec le goût rocaille jusqu’alors prédominant. Il représente le premier mobilier néoclassique connu en France. Dans son portrait, Jean-Baptiste Greuze le représente assis, jouant de la harpe devant un massif bureau d’ébène. Ce bureau, tout à fait révolutionnaire, réalisé par l’ébéniste Joseph Baumhauer et le bronzier Caffieri sur les modèles de Louis-Joseph Le Lorrain, est aujourd’hui conservé au Musée du Château de Chantilly.
Portrait de Lalive de Jully par Jean-Baptiste Greuze. 1757-1759. Courtesy of Washington, National Gallery of Art.
Détail de l'angle du bureau de Joseph Baumhauer conservé au musée du château de Chantilly.
L’étude approfondie des portraits nous permet ainsi de découvrir un autre aspect de ces oeuvres, qui passe par le secondaire, le regard se tournant vers le décor. Les peintres nous ont permis d’immortaliser les goûts et les modes de l’époque, ils ont même parfois participé à la création en fournissant des modèles pour les ébénistes.
Agathe Pantz
Spécialiste en meubles anciens
Mémoire de fin d’étude IESA : Le mobilier dans les portraits au XVIIIème siècle.
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