L’exposition Marie-Antoinette, qui se tient actuellement au Grand Palais, offre l’occasion d’admirer sous « toutes ses coutures » un meuble extraordinaire, le « coffre en porcelaine de France » ou coffre à bijoux de Marie Antoinette réalisé par l’ébéniste Martin Carlin.
Ce coffre à bijoux est formé d’un piétement en forme de table ouvrant, en ceinture, par un tiroir formant écritoire et repose sur quatre pieds galbés à pans. En partie haute, se trouve un coffre de forme rectangulaire.
Ce meuble est plaqué de bois de rose, sycomore et filets de buis et d’ébène et comporte en façade, sur les cotés ainsi que sur le couvercle treize plaques de porcelaine tendre de Sèvres décorées de bouquets de fleurs polychromes dans des encadrements vert et or. Le dos présente une marqueterie de losanges à filets de couleurs.
Les sabots, chutes, lingotière, entrées de serrure, écoinçons et cadres des plaques de porcelaine sont en bronzes ciselés et dorés.
Onze plaques sont peintes du double L entrelacés de Sèvres et des marques des peintres de fleurs Laroche et Bertrand.
Dix des treize portent également au dos la lettre date R pour l’année 1770.
Ces treize plaques doivent être rapprochées de celles livrées durant le premier semestre de l’année 1770 au marchand-mercier Simon-Philippe Poirier « 13 plaques différentes à 60 livres ».
Simon-Philippe Poirier est donc le concepteur de ce meuble en effet les plaques de porcelaine coutaient une fortune et seul un marchand mercier était en mesure de pouvoir les commander.
Son rôle fut à la fois d’élaborer le modèle, de choisir les différents intervenants ; ébéniste, bronzier, gainier et de coordonner leur travail.
Le coffre porte sur le bâti la marque GR couronné, pour Greniers des Récollets, ainsi que le W de Versailles.
Les Greniers des Récollets servaient de garde meuble privé aux reines à Versailles. On retrouve cette marque sur un certain nombre de meubles transitions. Cette marque fut utilisée par Marie-Antoinette encore dauphine avant qu’elle ne mette en place son garde meuble privé avec Bonnefoy Du Plan à sa tête.
Au regard de ces éléments, notre coffret à bijoux doit être daté de l’année 1770 et les marques nous le désigne comme celui exécuté pour Marie-Antoinette.
Ce meuble fut vraisemblablement le prototype d’un modèle à succès en effet neuf exemplaires sont aujourd’hui connus et il est possible d’identifier les commanditaires de sept :
-La reine Marie Antoinette, musée national des Châteaux de Versailles et Trianon.
-La comtesse du Barry.
-La comtesse de Provence.
-La comtesse d’Artois.
-La duchesse de Bourbon.
-La duchesse de Mazarin.
-La Grande Duchesse Maria-Feodorovna à Pavlovsk, Institute of Arts, Detroit.
Ainsi, avant 1775, Versailles semble avoir abrité trois coffres à bijoux de Poirier et Carlin, celui de la dauphine, celui de la comtesse du Barry et celui de la comtesse de Provence.
Dans sa forme, le coffre à bijoux de la reine reprend un modèle mis au point dans les années 1700 par André Charles Boulle pour les coffres de toilette : un coffre rectangulaire marqueté reposant sur un piètement marqueté de même. Le coffre de la reine est caractéristique des meubles de style transition.
Du style Louis XV, ce meuble possède :
-des pieds galbés.
-des chaussons ou sabots feuillagés rocaille.
-des chutes faunesques à enroulement caractéristiques de la fin de la période Louis XV.
Du style Louis XVI :
-une marqueterie de losanges.
-une ceinture droite.
-des entrées de serrures et lingotières à fleurons et à tiges enrubannées.
-les bronzes d’encadrements des plaques de porcelaine sont ciselés de raies de cœur.
Cadeau de Louis XV ou du dauphin, futur Louis XVI, lors de son mariage en 1770, Marie Antoinette apprécia vraisemblablement particulièrement ce meuble puisqu’il la suivit aux Tuileries en 1789.
Le coffre à bijoux de Marie Antoinette fut acquis en 1997 par le musée national des Châteaux de Versailles et Trianon pour la somme de 2,1 millions d’euros.
Simon-Philippe Poirier (vers 1720-1785) marchand-mercier ayant eut un quasi-monopole sur les achats à Sèvres de plaques utilisées pour garnir les meubles qu’il faisait réaliser par les ébénistes BVRB, Joseph, RVLC ou Carlin. Sa clientèle était des plus brillantes avec en particulier la comtesse du Barry.
Martin Carlin (vers 1730-1785), reçu maitre en 1766, son estampille se retrouve sur certains de plus beaux meubles transition et Louis XVI. Une de ses spécialités était l’emploi de plaques de porcelaine tendre de Sèvres pour décorer ses meubles. Il travailla principalement pour des marchand-merciers qui lui commandaient des meubles luxueux.
Cédric Henon
Expert en meubles et objets d'art des XVII, XVIII et XIXème siècles
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Coffre à bijoux de Marie-Antoinette, dauphine, 1770, 95 x 56 x 36 cm, musée national des châteaux de Versailles et Trianon.